L’assemblée générale à distance est-elle vraiment illégale?

La crise sanitaire que nous avons traversé a eu un impact non négligeable sur l’organisation des copropriétés en Belgique.

En effet, de la mi-mars à la fin juin , pratiquement plus aucune assemblée générale ne s’est tenue. En cause, non seulement une prudence bien légitime, mais aussi une interprétation erronée de l’Arrêté Royal du 09 avril par la plupart des organisations de syndics, à l’exception notoire de l’Union des Syndics, selon laquelle ces assemblées générales étaient purement et simplement interdites.

Cette situation a eu pour effet de bloquer l’ensemble des décisions de toutes les copropriétés de notre pays ! Rénovation de chaufferies ou de toitures, renouvellement des organes de la copropriété, mise en concurrence des fournisseurs, tout est à l’arrêt. Et non content de voir cette situation prolongée jusqu’au 30 juin, ce qui de facto rend l’organisation d’assemblées générales très compliquée jusqu’au 31 août 2020, certaines organisations d’administrateurs de biens bataillent aujourd’hui pour reporter purement et simplement l’organisation des assemblées générales à l’année 2021.

Pourtant des solutions techniques existent. Notre société, mais elle n’est pas la seule, a développé une solution digitale pour les assemblées générales, permettant aux copropriétaires qui ne veulent ou qui ne peuvent se déplacer d’y participer à distance, de prendre part au débat et de voter en ligne. Ces solutions sont-elles vraiment hors la loi ? Nous pensons que le cadre légal actuel offre plus de souplesse que certains ne le prétendent.

L’arrêté royal inéquitable

Alors que la crise sanitaire que nous connaissons aujourd’hui empêche les copropriétaires de se réunir, l’arrêté royal n°4 du 9 avril 2020 a expressément prévu que les organes de gestion des sociétés peuvent recourir aux assemblées générales à distance sans même que les statuts desdites sociétés ne le prévoient.

Il s’agissait en l’espèce d’une rupture inacceptable du principe d’égalité consacré par la Constitution. Les actionnaires des sociétés se voyaient reconnaitre le droit de tenir leurs assemblées générales à distance alors que les copropriétaires se voyaient interdire la faculté d’y recourir.

La motivation donnée par le rapport au Roi fait référence à la courbe d’âge des copropriétaires et au fait que les syndics ne sont pas techniquement préparés à cette fin. Pas un mot en revanche sur la possibilité de recourir aux moyens modernes de visio-conférence et de vote à distance.

On ne perçoit pas bien ce qui distinguerait un copropriétaire, d’un membre d’une association ou d’un actionnaire d’une société que ce soit sur le plan social ou sur celui de la santé publique. Il y a en Belgique des jeunes copropriétaires comme des personnes plus âgées. Il en va de même en ce qui concerne les actionnaires et membres d’associations.

La motivation selon laquelle les syndics ne seraient quant à eux pas techniquement préparés à cette fin ne parait pas plus pertinente. Il n’est en effet pas établi que les sociétés étaient parfaitement préparées pour faire face à la situation actuelle. Il y a par ailleurs des syndics qui étaient parfaitement préparés techniquement à ce type de situation et notre plateforme permet aujourd’hui comme au début de la crise aux copropriétés d’utiliser un système d’assemblée générale en ligne sans frais supplémentaire. Certains syndics, bénévoles ou professionnels, s’y étaient déjà préparés depuis longtemps.

Le Conseil d’Etat s’en est pour sa part ému. Dans son avis, le Conseil d’Etat précise : À cet égard, il est douteux que l’explication figurant dans le commentaire de l’article 2 dans le rapport au Roi, fondée sur « la courbe d’âge des copropriétaires […] variée mais généralement assez élevée, ce qui signifie que les consignes de sécurité ne permettent pas qu’ils participent encore à ces assemblées générales », puisse être considérée comme pertinente et suffisante dès lors que, pour ces situations, certains des procédés envisagés dans le chapitre 2 pourraient être mis en oeuvre moyennant les précautions nécessaires.

Il résulte de cet avis que le Conseil d’Etat considère que l’interdiction faite est discriminatoire et, partant, illégale. Le texte de l’arrêté royal fut amendé et précise dans sa version définitive que toutes les assemblées générales des copropriétaires visées aux articles (…) qui, en raison des mesures de sécurité liées au (sic !) pandémie Covid-19, ne peuvent avoir lieu (…) doivent être tenues endéans un délai de cinq mois.

Des assemblées malgré tout

Le principe retenu est donc que l’organisation des assemblées générales n’est pas interdite mais que si celle-ci ne peuvent se tenir, en raison des consignes de sécurité, celles-ci sont reportées dans le délai de cinq mois. Cela suit l’argument soulevé par le Conseil d’Etat.

Le rapport au Roi a donc été complété en vue de préciser que les assemblées générales pouvaient toujours se tenir de façon écrite et que l’organisation de l’assemblée via une conférence téléphonique ou vidéo peut faire partie de cette procédure écrite. L’unanimité, requise par la loi, est maintenue dans ce cas

Interrogé à ce sujet, le Ministre Koen GEENS qui prétend donc assimiler l’assemblée à distance à l’assemblée écrite reconnait toutefois qu’une assemblée générale par écrit ne peut être comparée à une assemblée générale à distance dans la mesure où dans ce dernier cas, rien ne s’opposerait à ce qu’un copropriétaire qui ne bénéficie pas d’un appui technique donne procuration à autre propriétaire.

L’arrêté royal échappe à certaines critiques par son silence. Un silence assourdissant. Si l’intention était de n’autoriser que les seules assemblées générales écrites, il eut été très simple de le préciser. Dans la pratique d’ailleurs, la position du Ministre est intenable. On ne compte plus aujourd’hui les assemblées générales qui se tiennent malgré tout, que ce soit en présence physique des copropriétaires ou non…

« New normal »

Aujourd’hui certaines voix se font entendre et plaident pour un peu plus de pragmatisme.

Les mesures arrêtées le 9 avril ont déjà été prolongées jusqu’au 30 juin de cette année. Le coronavirus est pour sa part toujours parmi nous et pour encore un temps certain. Il va simplement falloir apprendre à nous adapter à cette réalité qui conduit déjà certains copropriétaires à souhaiter que leurs assemblées générales se tiennent tout en prévoyant, si cela est possible, une participation à distance des copropriétaires qui ne peuvent ou ne veulent se déplacer. Il n’y pas de raison que le monde de la copropriété reste engoncé des dans pratiques du siècle dernier.

L’air des assemblées digitales est en marche. Ce sera bientôt le « new normal ».

INFO

Dhr Frédéric de BUEGER
Co-founder de KONVIVIO
www.konvivio.be

Nos blogs

PARTAGER


 



RGPD, les syndics sont concernés ...