Responsabilité de l’ACP ou du syndic ? Le paradoxe de l’article 3.89-§6

C’est une situation connue de beaucoup de syndics; on met un point à l’ordre du jour de la prochaine AG dans le cadre d’une nouvelle norme ou de travaux imposés par la loi. Que faire si l’AG n’obtient pas la majorité requise pour effectuer ces travaux? Que faire si pour des raisons de composition de l’AG et en raison de blocages, le vote « pour » est impossible ?​

L’AG au-dessus des lois ?

Lorsqu’un propriétaire de maison individuelle choisi de ne pas être en conformité avec la loi, il s’expose à une amende. C’est son choix, sa liberté… mais il n’agit certainement pas en bon père defamille… Finalement il portera seul cette
responsabilité et le coût éventuel des
amendes.

Mais lorsqu’une ACP choisit de ne pas se mettre en conformité avec la loi par décision de l’AG, le syndic qui doit conformément à la loi « exécuter les décisions de l’’AG » peut donc se voir imposer une approche illégale puisqu’il doit s’abstenir de remplir des obligations légales? Il se retrouve de ce fait en position de fragilité et se voir reprocher par de nouveaux copropriétaires par exemple, de ne pas avoir respecté la loi… Sans compter les poursuites disciplinaires qui peuvent porter sur des faits anciens sans prescription.

souhaiterait tout de même respecter la loi contrairement à la décision de l’AG sur ce point, comment procédera t’il aux appels de fonds nécessaires puisque cette décision a emporté le « non » ? Logiquement, sans appel de fonds, pas de travaux. Et même si les fonds sont présents sur le compte ou sur le fonds de réserve, comment justifier de les dépenser pour effectuer des travaux qui n’ont pas fait l’objet d’une décision d’AG ?

De cette façon, le syndic prend un risque financier puisqu’il risque de perdre la gestion de l’ACP en question, ce qui représente une perte de revenus pour son cabinet de syndic.

Pourquoi donc, l’AG serait-elle le mécanisme supérieur à la loi puisqu’elle peut se prononcer lors d’un vote règlementaire, contre l’application d’une loi qui par définition doit obligatoirement être respectée ?

Ce faisant, l’ACP met le syndic en porte à faux ; pire encore, dans une situation cornélienne et parfois inextricable. Finalement le syndic est toujours perdant : s’il suit l’AG il agit contrairement à la loi, et s’il ne la suit pas il enfreint non seulement la loi sur la Copropriété mais aussi ses obligations contractuelles d’appliquer les décisions de l’AG.

Qui est le vrai gestionnaire du bâtiment : le syndic ou l ’ACP ?​

Certains soutiennent que le syndic n’est pas le gestionnaire du bâtiment, mais qu’il est mandaté par l’AG pour mettre en oeuvre les décisions de l’AG et dès lors gérer l’AG et non le bâtiment.

Par ailleurs, si l’on tient compte de l’évolution récente des tâches du syndic on constate une orientation vers un pôle nouveau : la communication, la gestion des conflits internes à l’ACP et des conflits entre et avec les copropriétaires.

Au vu de cette évolution on est finalement en droit de se demander si le syndic gère réellement le bâtiment ou s’il gère les copropriétaires ? Ne sont-ce pas ces derniers qui, en assemblée générale, dictent en tous points la conduite du syndic, même sur des points ou la loi est déjà d’application ?

Majorité pour des obligations légales​

L’ACP aurait-elle un statut spécial qui lui permettrait de voter contre une obligation légale ? Non me direz-vous, la loi est la même pour tout le monde et chacun est censé respecter la loi. De plus, la loi sur la copropriété jouit d'un statut particulier puisqu’elle est d’ordre impératif (Art. 3.100 NCc).​

Mais alors pourquoi la loi prévoit-elle une majorité absolue (1/2 + 1) pour les travaux imposés par la loi ?

De quoi parle-t’on exactement ? D’un point à l’ordre du jour de l’AG, pour discuter d’une obligation légale et finalement de voter pour décider si oui ou non l’ACP va respecter cette loi ? Cette interprétation est courante mais totalement inacceptable.

Allons-nous recommander à nos syndics de prévoir une majorité des deux tiers pour la modernisation de l’ascenseur dans le cadre des travaux aux parties communes ? Ou allons-nous recommander une majorité absolue puisqu’il s’agit de travaux imposés par la loi ?

Idem pour l’audit énergétique obligatoire en Flandre (CPE parties communes), ou le contrôle amiante. Le syndic doit-il vraiment mettre ce point à l’ordre du jour ? Alors que la loi prévoit un audit énergétique obligatoire pour les parties communes à partir de 2022 ?

Idem pour la protection incendie : faut-il vraiment demander aux copropriétaires combien d’extincteurs ils veulent ? ou le syndic doit-il faire installer d'office le nombre d’extincteurs légalement imposé par la loi ?

Idem pour l’inscription à la BCE : rappelons que cette inscription coûte environ 90€ et que les copropriétaires demandent souvent au syndic de ne pas réaliser cette inscription. Lorsque le projet de loi du CD&V sera voté, l’ACP pourra se voir infliger une amende (voir article de Me Roland Timmermans dans ce magazine).

Par ailleurs et en dehors des travaux obligatoires, les membres de l’AG imposent parfois au syndic des décisions surprenantes contre lesquelles il doit bien se rebiffer mais souvent en vain. Par exemple : le refus de désigner un commissaire aux comptes, le refus de désigner un président de l’AG, le refus de coordonner les statuts, le refus d'organiser le dossier RGPD, ... etc.

Qui est responsable ?

La loi sur la Copropriété est sans appel : le syndic est seul responsable de sa gestion (Art. 3.89-§6 NCc). Il a aussi l’obligation d’informer correctement les membres de l’Assemblée Générale.

Mais s’il agit de l' exécution d’un vote de l’AG ? Si par exemple sur vote de l’AG il n’y a pas assez d’extincteurs dans l’immeuble, ou si la coupole usée ou défectueuse n’est pas réparée à temps et que des dégâts s’en suivent, on imagine déjà la situation inextricable…

En cas de procédure ou en cas de recours civil, l’ACP se verra peut-être incriminée, mais elle se retournera d’office contre son syndic qui n’aura que son PV d’AG comme preuve du vote contre l’application de la loi.

Impasse totale !

Par ailleurs, il faut également tenir compte des situations où la « réduction » de l'article 3.87-§7 NCc est appliquée : "Nul ne peut prendre part au vote, même comme mandant ou mandataire, pour un nombre de voix supérieur à la somme des voix dont disposent les autres copropriétaires présents ou représentés".

Concrètement, cette règle crée immédiatement deux partis avec le même nombre de voix… de cette manière et faute de consensus, une majorité absolue sera impossible à atteindre. Par conséquent, le syndic deviendra victime d'une disposition légale inefficace d'une part, et des mésententes internes entre copropriétaires d'autre part. Mais, dans ce cas, qui sera responsable de ne pas respecter la loi ?

Modification législative

Nous nous heurtons, une fois de plus, à un manque de clarté législative.

Ce manque de clarté législative qui donne lieu à des interprétations, elles-mêmes source de conflits qui au final, on l’imagine bien, peuvent se traduire par des honoraires coûteux engagés pour la défense juridique des parties qui s’opposent.

Il nous semble qu’une modification législative s’impose, et nous en appelons à tous nos collègues, juristes, avocats et académiciens.

A notre avis, il serait possible d’autoriser le syndic à respecter automatiquement toutes les obligations légales sans vote de l’AG . On pourrait par exemple, considérer une obligation légale ou une nouvelle norme technique, comme une des tâches urgentes du syndic à l’instar des mesures conservatoires.

Par ailleurs ne serait-il pas souhaitable d’introduire dans la loi sur la copropriété une clause de responsabilité de l’ACP ?

Enfin, dans le cadre des obligations d’entretien, de mise aux normes de l’ACP ou de travaux imposés par la loi, ne serait-il pas judicieux de préciser que le vote à la majorité absolue concerne uniquement le choix des entrepreneurs ainsi que des devis respectifs présentés ?

Quelques conseils à suivre

Que doit faire le syndic in concreto? A notre avis voici la marche à suivre.​

1/ Dédoubler les points concernant les travaux imposés par la loi avec en premier lieu un point d’information, comme par exemple : "information du syndic sur la loi XX comportant l’obligation légale XX à partir de XX".

Protégez-vous en insistant sur la responsabilité de l’ACP et sur celle du syndic. Il est également essentiel d'expliquer la déontologie : un vote ne peut obliger le syndic à ne pas appliquer la loi (voir la Déontologie Art. 78).

"L’agent immobilier syndic respecte les dispositions du Code civil relatives à la copropriété et les obligations qui lui sont imparties en tant que tel en vertu d’une loi, de statuts ou de règlements afférents à un bien et qui ne contreviendraient pas à des dispositions légales contraignantes, ainsi que celles résultant de la convention qui le lie à son commettant."

Voor de zekerheid stellen wij voor om inspiratie te zoeken in de onderstaande disclaimer.

Pour toute sécurité nous proposons donc de placer absolument la clause ci-dessous en toutes lettres dans la convocation et très certainement dans le PV :​

"Le syndic a informé l’ACP xx de l'obligation d'exécuter les travaux xx dans le cadre de la loi du xx/xx/xxxx. Le syndic ne pourra être tenu responsable d'une décision négative sur ce point, qui aurait pour conséquence que l’ACP décide de ne pas appliquer la législation en vigueur. Une telle décision engagera uniquement la responsabilité de l’ACP. Le syndic ne sera pas non plus tenu responsable en cas d’accident, ni en cas d’amende ou de sanction administrative ou pénale à l’encontre de l’ACP par l'administration compétente. Les éventuelles implications financières seront à la charge exclusive de l’ACP, sans recours possible contre le syndic."​

2/ Ensuite, une fois qu’il est clair que les travaux sont imposés par la loi et doivent être effectués, on procède au choix du prestataire/fournisseur de service avec un vote à la majorité absolue (1/2+1) sur base des devis disponibles.

3/ Au niveau du mandat du syndic, nous conseillons à nos syndics de préciser que "le syndic exécutera sans délai toutes les nouvelles obligations légales applicables aux immeubles à appartements".

4/ En ce qui concerne les prestations qui, conformément à la loi, doivent être mentionnées dans la convention de syndic ainsi que les honoraires y afférent, nous proposons d'ajouter une clause dans la convention avec l’ACP.

Exemple : "Toute prestation en ce qui concerne l'application d'une nouvelle obligation légale pour l'ACP, sera facturée soit au prorata du taux horaire en vigueur avec un minimum de trois heures, chaque heure commencée étant facturée en totalité, soit de façon forfaitaire en accord avec l'AG."

INFO

Mme Dominique Krickovic
Présidente & Co-founder
UDS - Union des Syndics asbl

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