Syndic provisoire - Une autre solution pour les ACP en conflit permanent

Toutes les ACP n'ont pas une existence parfaite. Troubles financiers, discussions avec le syndic, conflits internes à l'immeuble qui bloquent systématiquement les décisions essentielles, etc. peuvent conduire à des blocages importants. Cela se produit naturellement dans les grands bâtiments, mais peut également se manifester dans les ACP les plus petites qui ne sont constituées que de deux ou trois lots.

Là où par le passé cela pouvait donner lieu à des procédures longues et lourdes, le Législateur a progressivement tenté de rationaliser les enjeux en introduisant les modifications législatives de 2010 et 2019 et en créant un cadre adapté. Ce dernier peut consister en la nomination d'un syndic provisoire, d'un nouveau syndic judiciaire ou d'un administrateur provisoire à la place du syndic en exercice ou avec une mission précise et définie.

L'actuel Livre 3, Chapitre 2 du Nouveau Code civil contient désormais les dispositions 3.89, §7 (possibilité pour l’assemblée générale d'adjoindre un syndic provisoire), 3.89, §8 (possibilité pour le juge de paix de nommer un syndic provisoire ainsi que la possibilité de nommer un administrateur judiciaire), 3.92, §2 (nomination à la demande de 1/5 des quotes-parts d'un ou plusieurs administrateurs provisoires dont les attributions et la compétence sont déterminées par le tribunal). Chaque compétence dispose de pouvoirs et de possibilités propres, mais tous se heurtent de facto au même problème : un ACP ingérable a un besoin urgent d'aide supplémentaire.

Bien sûr, dans une telle situation, le tribunal peut nommer un autre syndic agréé, mais dans de nombreux cas, les magistrats préfèrent nommer un membre de l'ordre des avocats. Tous deux sont bien entendu soumis, dans l'exercice de leur mission, aux dispositions particulières de la loi sur la copropriété.

Dans le cadre de cette nomination, les syndics agréés devront bien entendu se conformer à la Déontologie de l’IPI ; quant aux avocats ils sont soumis au règlement du Barreau du 18 septembre 2002 relatif à l'avocat-syndic. Ce règlement impose par exemple, que l'avocat-syndic garde son indépendance ; il ne peut donc plus agir comme avocat de l’ACP pour laquelle il a été désigné, sauf si le cas échéant il est désigné comme mandataire par l’ACP, solution qui, dans le cadre de ce règlement, n’a pas la préférence.

Le syndic provisoire, désigné ou judiciaire, poursuivra la gestion comme un syndic normal. Ce mandat est généralement accordé dans l'espoir de résoudre les conflits entre les copropriétaires et le syndic lui-même.

Par le passé, ce genre de décision était prise lorsque , par exemple, les intérêts de l'association des copropriétaires entraient en conflit avec ceux du syndic, ou lorsque le syndic ne se conformait pas à la demande des copropriétaires de placer sa démission à l'ordre du jour, ou lorsqu’un syndic recevait des commissions occultes, lorsque le syndic ne réglait pas les factures, n'effectuait pas de réparations et ne rédigeait pas de procès-verbal d'assemblée générale, lorsque le syndic titulaire cumulait diverses qualités, c'est-à-dire propriétaire, promoteur, vendeur et courtier, tenait des assemblées générales extrêmement rudimentaires, lorsque suite à de nombreux litiges entre copropriétaires il n'y avait plus d'assemblées générales, lorsqu'une guerre entre les copropriétaires faisait rage et perdurait… etc.

De son côté, l'administrateur provisoire se voit attribuer par le juge de paix une mission spécifique que le juge peut confier aussi bien au syndic titulaire qu'à un tiers. Cela se produit généralement en situation de crise réelle (à la demande de plusieurs copropriétaires détenant au moins 1/5 des parts) ou du syndic lui-même. En pratique, cela arrive souvent lorsque les copropriétaires sont clairement divisés en deux ou plusieurs camps concurrents qui continuent de se rendre la vie impossible, bloquant ce faisant le fonctionnement normal de l’ACP. Cette nomination offre des solutions certaines car les pouvoirs de l'administrateur peuvent s'étendre bien au-delà de ceux du syndic.

En principe, la Cour décide en toute liberté des pouvoirs de l’administrateur provisoire.

Il va sans dire que chaque situation est différente, et que le juge élabore une solution en fonction du bâtiment et des problèmes existants. Cela peut aller de l'organisation d'une assemblée générale dans le but de nommer un nouveau syndic, à la gestion approfondie d'un immeuble visant à la résolution des conflits internes. De plus, l'administrateur peut se voir confier les tâches du syndic, mais aussi celles du conseil de copropriété et même celles de l’assemblée générale. Dans un arrêt du 17 avril 2019, le juge de paix d'Anderlecht a par exemple nommé un administrateur ayant le pouvoir d'approuver les comptes et le bilan à la place de l'assemblée générale afin de remettre sur les rails le fonctionnement de l’ACP. Les compétences attribuées peuvent donc aller très loin.

Il va sans dire que cela implique une responsabilité importante de l'administrateur qui devra toujours s'assurer d’être correctement assuré pour ces activités. En tout état de cause, l'administrateur provisoire devra dans le cadre de sa gestion poursuivre en permanence les intérêts de l’ACP, afin que sa nomination conserve toujours une finalité objective et impartiale. Dans la pratique, l'administrateur est souvent perçu comme un " démineur " de situations devenues manifestement biaisées dans certains immeubles et ce depuis des décennies.

La mise en œuvre pratique de l'administration, peut rencontrer des obstacles divers, certainement lorsqu'un avocat est nommé administrateur. Par exemple, l'avocat moyen ne pourra pas tenir (et prendre en charge) la comptabilité d’une grande ACP. Il n'est, par ailleurs, pas toujours évident de suivre les dossiers de sinistres en cours, et il apparaît en pratique que les fournisseurs habitués à travailler avec un certain syndic ont tendance à continuer de s'adresser au syndic précédent plutôt qu’à l’administrateur provisoire. La pratique montre que ces situations ne sont pas toujours évidentes. Même si la nomination d'un administrateur provisoire est nécessaire dans une situation totalement bloquée, il pourrait être utile de demander au tribunal, d'autoriser immédiatement l’avocat désigné, à être autorisé à nommer un troisième intermédiaire externe, sous la forme d'une sous-traitance, qui serait en mesure de fournir le soutien pratique nécessaire. Bien sûr, cela ne va pas sans coût supplémentaire, mais débloquer une situation qui stagne depuis des années en vaut généralement la peine.

Bien sûr, la désignation éventuelle d'un tiers doit être évaluée au cas par cas, mais il est utile de garder cette option à l'esprit, lorsqu'aucune solution ne peut être trouvée concernant des aspects essentiels au sein d'un bâtiment. En principe, même le syndic titulaire pourrait demander au juge de paix de le nommer administrateur provisoire avec des pouvoirs plus étendus pour prendre et exécuter les décisions utiles/nécessaires.

Bien entendu, cette contribution est loin d'être complète et toute forme de désignation d'un tiers relève d'une procédure bien définie.

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 Mr Philip LEPERE


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