Les droits et obligations du locataire en droit de la copropriété

Compte tenu de l'augmentation récente des investissements immobiliers, y compris en vue de générer des revenus locatifs, et de l'augmentation induite des lots loués en copropriété, il est utile de donner un aperçu des droits et obligations du locataire dans un appartement en copropriété. Cette ligne directrice, qui s'appuie sur les dispositions légales en vigueur ainsi que sur la jurisprudence récente, peut donc être utilisée par le syndic, le locataire, le bailleur et/ou les autres copropriétaires.

A. Préliminaire : pas de distinction selon la nature du bail

Le droit de la copropriété ne fait pas de distinction selon la nature du bail. En conséquence, les droits et obligations suivants s'appliquent à tout locataire d'un lot, qu'il s'agisse par exemple d'un bail indivis, d'un bail d'habitation, d'un bail étudiant ou d'un bail commercial.

B. Droits et obligations du locataire découlant du droit de la copropriété

B.1. Les obligations du locataire découlant des statuts

Le bail d'un bien en copropriété est conclu entre le propriétaire (ou l'entrepreneur habilité à mettre le lot en location), d'une part, et le locataire, d'autre part. En revanche, aucun accord n'intervient entre l’ACP ou le syndic et le locataire, quelle que soit la relation extracontractuelle.

Nonobstant ce lien extracontractuel avec l’ACP, les dispositions des statuts sont directement
opposables au locataire (article 3.93-§1 du Code civil). Cela implique que les droits et obligations découlant de l'acte de base et du règlement de copropriété, qui forment ensemble les statuts, doivent être remplis par le locataire.​

Cette opposabilité des statuts, qui doit faire l'objet d'un acte notarié, s'explique également par l’enregistrement des statuts dans le registre prévu à cet effet au bureau de l'Administration Générale de la Documentation Patrimoniale, rendant ainsi les statuts opposables aux tiers, y compris le locataire.

En d'autres termes, même si le locataire n'a, en toute bonne foi, pas connaissance des statuts, cette forme de publicité suppose que le locataire ait pris connaissance du contenu des statuts. En conséquence, le locataire est tenu par les dispositions des statuts, même s'il ne les a pas signées pour information ou même s'il n'y est pas fait référence dans le bail.

B.2. Obligation du locataire par le règlement intérieur et le registre des procès-verbaux

Pour le règlement d’ordre intérieur, qui peut être établi sous seing privé et ne doit pas nécessairement être consigné dans un acte authentique, et le registre des procès-verbaux des assemblées générales de l’ACP qui ont eu lieu avant à la signature du contrat de location, l'opposabilité au locataire est réglée différemment de l'opposabilité des statuts.

En principe, le règlement intérieur et le registre des procès-verbaux ne sont pas transmis au bureau de l'AGDP ; seuls les actes authentiques pouvant être transmis. A défaut d’enregistrement, ces documents ne sont donc pas opposables aux tiers de bonne foi.

Au contraire, le droit de la copropriété prévoit deux dispositions particulières pour l'objectivité du règlement intérieur et du registre des procès-verbaux.

  • Tout d'abord, son contenu s'impose à "tout titulaire d'un droit réel ou personnel sur un lot qui dispose ou exerce le droit de vote en assemblée générale lors de son approbation" (article 3.93-§5 du Code civil). Le locataire n'ayant, sauf cas exceptionnel, pas le droit de vote à l'assemblée générale, le principe du caractère contraignant du règlement intérieur et du registre des procès-verbaux ne saurait être invoqué à l'égard du locataire.
  • C'est pourquoi une deuxième disposition légale a été prévue, selon laquelle le bailleur doit informer le locataire du règlement intérieur et du registre des procès-verbaux lors de la signature du bail (article 3.93-§5, alinéa 1er, 1° du Code civil). La responsabilité de la notification et par conséquent de son opposabilité au locataire incombe au bailleur. Toutefois, le locataire peut également demander au syndic d'en être informé (article 3.93-§5, alinéa 1er, 1° du Code civil).

En application de cette obligation légale de sa part, le bailleur est seul responsable des dommages qui surviendraient du fait d'un retard ou d'une absence de notification (article 3.93-§5, alinéa 1er, 1° du Code civil), par exemple des dommages sous l'association des copropriétaires, d'autres copropriétaires et/ou du locataire lui-même.

B.3. Exception à l'opposabilité des statuts et du règlement intérieur au locataire

Dans des cas exceptionnels, le tribunal peut décider que les dispositions des statuts et du règlement intérieur ne sont pas pleinement opposables au locataire.

Par exemple, la jurisprudence en la matière précise que si le règlement de copropriété peut imposer des restrictions au droit de propriété du propriétaire sur la base desquelles il doit pouvoir louer son bien, comme imposer un zonage résidentiel ou commercial obligatoire pour terrain (Vred. Fléron 31 mars 2015, T.Vred. 2015, 591), mais que ceux-ci ne doivent pas porter atteinte de manière disproportionnée au droit du locataire au respect de la vie privée et familiale (voir par exemple : Vred. Louvain 6 octobre 2015, Rent 2016, 36, note R. TIMMERMANS).

En outre, selon la jurisprudence, les restrictions d'usage et de jouissance imposées par les règlements d'ordre intérieur ne peuvent porter atteinte de manière disproportionnée au droit d'usage et de jouissance du locataire (voir par exemple : Vred. Brugge 14 avril 2015, Huur 2016, 30, note R. TIMMERMANS ; Vred. St.-Pieters-Woluwe 16 mars 2016, T.App. 2019/2, 23, note V. DEFRAITEUR).

Un exemple typique en est l'interdiction de garder des animaux de compagnie qui, selon les circonstances concrètes, peut être considérée comme une atteinte disproportionnée au droit du locataire au respect de la vie privée et familiale (voir par exemple : Paix Louvain 6 octobre 2015, Huur 2016, 36, note R. TIMMERMANS ; Vred. Bruges 14 avril 2015, Huur 2016, 30, note R. TIMMERMANS).

Selon les circonstances concrètes, le tribunal peut donc décider qu'il est permis au locataire de déroger aux dispositions des statuts ou du règlement intérieur.

B.4. La possibilité pour le locataire de formuler des questions ou commentaires pour l'assemblée générale

Bien qu'en principe le locataire n'ait pas le droit de vote à l'assemblée générale de l’ACP, ni ne puisse faire valoir un droit légal d'être entendu à l'assemblée générale, il est informé par le syndic de la date des assemblées (article 3.89-§5, 6° du Code civil).

Ainsi, le locataire peut formuler par écrit ses questions ou remarques concernant les parties communes de la copropriété, qui doivent ensuite être communiquées par le syndic à l'assemblée générale (article 3.89, §5, 6° du Code civil).

Toutefois, si le locataire propose l'inscription de certains points à l'ordre du jour de l'assemblée générale, le syndic en tant que tel n'est pas tenu de les mettre effectivement à l'ordre du jour, de sorte que l'assemblée générale devrait également en délibérer effectivement. En fait, « mettre des points à l'ordre du jour » va au-delà de la « communication » de questions ou de commentaires à l'assemblée générale.

B.5. L'opposabilité au locataire des décisions de l'assemblée générale

Suite à l'assemblée générale, le bailleur doit notifier au locataire les décisions de l'assemblée générale par lettre recommandée. Le délai est de trente jours à compter de la réception par le bailleur du procès-verbal de l'assemblée générale du syndic (article 3.93, §5, alinéa 1er, 2° du Code civil).

Toutefois, si le locataire n'est pas informé par le bailleur des décisions de l'assemblée générale et que le locataire subit un dommage de ce fait (ou qu'il cause un dommage à un tiers de ce fait), il peut, le cas échéant, tenir contractuellement le bailleur responsable (ou poursuivre s'il serait lui-même poursuivi par un tiers en réparation).

B.6. La possibilité pour le locataire de contester une disposition du règlement intérieur ou une décision de l'assemblée générale

Le législateur prévoit également la possibilité pour le locataire d'agir en justice contre toute disposition du règlement intérieur ou contre toute décision de l'assemblée générale, si celles-ci sont irrégulières, frauduleuses ou illégales. Dans ce cas, le locataire peut demander au tribunal d'annuler ou de modifier la décision ou la disposition, à condition qu'elle lui cause un préjudice personnel (article 3.93, §5, troisième alinéa du Code civil).

La jurisprudence a déjà confirmé que cette disposition doit être interprétée au sens large et que cette possibilité d'action est donc également ouverte non seulement aux locataires (commerciaux), mais également aux entreprises qui ont leur siège social dans l'immeuble (Vred. Genk 2 juin 2015, Loyer 2016, 44, note R. TIMMERMANS).

Cette procédure doit être introduite dans les deux mois suivant la notification du procès-verbal de l'assemblée générale par le bailleur, et au plus tard dans les quatre mois suivant la date de l'assemblée générale (article 3.93, §5, alinéa 4 du Code civil). Cela implique également que cette demande n’est plus recevable si le délai de quatre mois depuis la date de l'assemblée générale est déjà expiré, même si le procès-verbal n'a pas été notifié par le bailleur au locataire.

B.7. Les possibilités de procédures contre le locataire

Compte tenu, entre autres, de l'obligation légale d'un locataire d'occuper le bien loué avec diligence, qui s'applique tant aux parties privatives qu'aux parties communes de l'immeuble (Vred. Zottegem 7 mai 2015, Rent 2015, 186 ), il peut bien entendu voir sa responsabilité engagée par le bailleur en cas de non-respect de celle-ci (Vred. Leuven 6 octobre 2015, Huur 2016, 36, note R. TIMMERMANS ; Vred. Vorst 5 septembre 2016, T.Vred. 2019 , 25 ).

Si le locataire ne respecte pas les dispositions des statuts ou du règlement d’ordre intérieur, il peut également en être tenu responsable par l'association des copropriétaires (Vred. Kontich 30 mars 2021, Huur 2021, 137 ; Vred. Brugge 23 avril 2021, Loyer 2021, 143). En principe, l'association des copropriétaires peut intenter une action en justice contre le locataire en vue d'obtenir, entre autres, la cessation d'une violation continue des droits et obligations prescrits par les statuts ou le règlement intérieur, la réparation des dommages encourus par l'association des copropriétaires ou de l'éviction du locataire (Vred. Bergen 5 octobre 2020, T.Vred. 2021, 438) et, selon certaines jurisprudences, voire même de la résiliation du bail entre le locataire et le propriétaire (Vred. Kontich 30 mars 2021, Location 2021, 137).

Le bailleur peut également être tenu pour responsable des agissements de son locataire par l’ACP, y compris s'il n'a pas respecté ses obligations de notification à l'égard du locataire (Vred. Fléron 31 mars 2015, T.Vred. 2015 , 591 ).

Par ailleurs, le bailleur ou l'ACP peuvent non seulement s'adresser au locataire, mais, par exemple, également à un autre copropriétaire particulier ou à un autre locataire, s'ils peuvent justifier d'un intérêt. Il peut s'agir non seulement d'une procédure pour violation par le locataire des statuts ou du règlement d'ordre intérieur, causant un dommage à cet autre copropriétaire ou locataire, mais aussi, par exemple, en raison d'une nuisance de voisinage.

En fait, on peut préciser, dans un souci d'exhaustivité, que les règles de nuisances de voisinage doivent être respectées intégralement par le locataire, de sorte qu'il est interdit au locataire d’occasionner des nuisances anormales aux voisins dans le cadre de l'exercice normal de son droit d'utiliser et de profiter du bien loué. Accessoirement, le bailleur peut également être tenu pour responsable des nuisances causées par son locataire (Rb. Bruxelles 11 décembre 2020, JLMB 2021, 1298).

B.8. L'obligation financière du locataire par rapport aux charges de la copropriété

Dans la relation entre l’ACP et les copropriétaires individuels bailleurs, le copropriétaire individuel (bailleur) est en principe tenu de payer les frais de la copropriété (article 3.81 du Code civil).

Dans la relation entre le locataire et le bailleur, il peut être convenu que le locataire sera responsable du paiement de tout ou partie des charges liées à la copropriété. Dans ce cas, le bail doit explicitement prévoir une contribution distincte du locataire à ces charges, faute de quoi la jurisprudence suppose que cette contribution est incluse dans le loyer mensuel à un taux fixe (Vred. Alost 2 juin 2015, RW 2016- 17, 355).

Enfin, dans les relations entre l’ACP et le locataire, le syndicat des copropriétaires ne peut s'adresser directement au locataire pour le recouvrement des contributions aux charges de la copropriété que si toutes les parties en sont convenues (ainsi que la possibilité du locataire de demander une saisie à tiers détenteur pour les sommes dues par le bailleur à l'ACP). Le recouvrement direct suppose que les statuts contiennent une clause de délégation (ou qu'une convention de délégation distincte ait été conclue entre la copropriété et le bailleur) et que le locataire y ait également consenti. De plus, une telle relation tripartite ne signifie pas que le bailleur est dispensé du paiement des contributions aux charges de la copropriété, de sorte qu'il reste toujours redevable du paiement de celles-ci.

C. Remarque finale : la position particulière des locataires de courte durée, par exemple via Airbnb

Enfin, on peut se demander si la même réglementation s'applique également aux locataires de courte durée, par exemple les personnes qui louent un appartement pour une période de vacances via Airbnb. Compte tenu de la spécificité d'une telle location en copropriété, celle-ci sera abordée dans une contribution ultérieure.

INFO 

Liesbet Van Gijsel
Senior Associate
Advocaat - Avocat - Lawyer
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