Démolition et reconstruction d’immeubles d’appartements

Depuis le 1er janvier 2019, les copropriétaires ne sont plus tous contraints de marquer leur
accord à propos de la démolition et/ou reconstruction d’un immeuble à appartements.

De manière plus spécifique, conformément à l’article 577-7,§1, 2°, h) du Code civil, la majorité des quatre-cinquième de l’assemblée générale de l’association des copropriétaires suffit pour décider à propos de la démolition et/ou reconstruction totale de l’immeuble pour raisons d’hygiène ou sécurité ou en cas de prix excessif des travaux d’adaptation de l’immeuble. 

En outre, cette disposition de loi prévoit qu’un copropriétaire peut renoncer à son lot en faveur des autres copropriétaires si sa valeur est inférieure que la quote-part qu’il devrait payer du prix total des travaux, le cas échéant, sous réserve d’un accord réciproque ou d’une compensation établie par le juge. 

Après une analyse élémentaire, cette nouvelle règlementation fait l’objet d’une analyse critique afin de déterminer la valeur ajoutée et les possibilités d’application pratiques tant pour le syndic que pour les copropriétaires.

ANALYSE DU NOUVEL ARTICLE 577-7, §1, 2°, H)  DU CODE CIVIL

Majorité des quatre cinquième ou unanimité.

L’article 577-7, §1, 2°, h) du Code civil prévoit, pour la première fois, la possibilité pour les copropriétaires de décider à propos de la démolition ou de la reconstruction totale de l’immeuble, y compris des parties privatives.

Actuellement, la loi établit expressément d’une part que l’assemblée générale peut décider à la majorité de quatre cinquièmes des voix à propos de la démolition et/ ou reconstruction totale de l’immeuble en cas de respect de l’une des conditions suivantes : 1) raisons d’hygiène, 2) raisons de sécurité ou 3) lorsque le prix de l’adaptation de l’immeuble aux dispositions légales est excessif. 

En l’absence de ces conditions, il est établi que la décision de démolition ou de reconstruction totale de l’immeuble doit être prise par les copropriétaires uniquement à l’unanimité des voix.

DÉMOLITION ET/OU RECONSTRUCTION

La nouvelle règlementation vaut pour les décisions en matière de “démolition ou reconstruction totale de l’immeuble”. 

Selon cette formulation, la loi prévoit trois hypothèses, à savoir : 1) les décisions de démolition volontaire sans reconstruction, 2) les décisions de démolition avec reconstruction totale et 3) les décisions de reconstruction totale si l’immeuble a été entièrement détruit en raison de circonstances externes.

L’hypothèse de démolition partielle de l’immeuble à la suite d’un cas fortuit est, quant à elle, régie par l’article 577-7,§1, 2° c) du Code civil, qui établit que la reconstruction de l’immeuble ou la remise en état de la partie endommagée peut être décidée à la majorité des quatre cinquièmes des voix.

Possibilité de renonciation du lot.

Les copropriétaires qui ne pourraient pas subvenir aux frais de leur participation dans la démolition et/ou reconstruction, ont dès lors la possibilité de renoncer à leur lot en faveur d’autres copropriétaires si sa valeur est inférieure à la quote-part qu’ils devraient payer du prix total des travaux. Cette renonciation peut se faire gratuitement ou moyennant un accord réciproque ou une compensation établie par le juge.

BÉNÉFICES DE L A NOUVELLE LÉGISLATION

La nouvelle législation était plus que nécessaire. Par conséquent, les bénéfices de la législation sont indéniables, notamment vu les points suivants :

Approche claire et efficace de l’obsolescence du parc immobilier.

La construction d’immeubles à appartements est plus que jamais de tendance en 2019. Parallèlement, la première génération d’appartements sont devenus obsolètes et délabrés au point que l’habitabilité et, le cas échéant, la sécurité et la santé de ses habitants peuvent être compromises.

Aussi, le plus grand avantage de la nouvelle règlementation est l’établissement clair, après une longue période d’insécurité, de la compétence en matière de démolition volontaire et/ou reconstruction totale des immeubles à appartements. 

Contrairement à l’unanimité de tous les copropriétaires antérieurement requise en la matière, la compétence de décision appartient, dès lors, à l’assemblée générale de l’association des copropriétaires qui, dans le cas de démolition et/ou reconstruction totale, doit voter à la majorité des quatre cinquièmes des voix. La législation vise ainsi à garantir une prise de décision plus souple afin d’aborder ce problème de manière plus efficace.

Tenter de protéger les droits de propriété des copropriétaires individuels.

Dans le cadre de l'optimisation de la prise de décision sur la démolition et/ou la reconstruction dans l'intérêt de la communauté, le législateur a également tenté de garder à l'esprit la protection des droits de propriété des copropriétaires individuels. Afin d'éviter la pure spéculation immobilière et les stratégies qui pourraient priver les copropriétaires de leurs droits de propriété, la décision assouplie sur la démolition volontaire et/ou la reconstruction complète d'immeubles à appartements est soumise à des conditions strictes d'hygiène, de sécurité ou de coût excessif des travaux de rénovation. Les bâtiments pour lesquels des travaux de rénovation normaux suffisent ne sont donc pas éligibles.

De plus, afin de protéger les droits de propriété du copropriétaire qui n'est pas en mesure financièrement de payer sa part des frais de démolition et/ou de reconstruction, la possibilité légale est prévue pour un copropriétaire dont la valeur du lot est plus faible est alors sa part dans le prix de revient de la démolition et/ou de la reconstruction, pour abandonner son lot, moyennant indemnisation ou non.

POINTS D’INTÉRÊT SUR LA BASE DES LACUNES DE LA NOUVELLE LÉGISLATION

Même abstraction faite de la légalité de l’article 577- 7, §1, 2°, h) du Code civil qui est actuellement examiné par la Cour constitutionnelle – mettant en cause, d’une part, la compatibilité de cette législation avec le principe constitutionnel d’égalité, et, d’autre part, le droit de propriété constitutionnel et européen, le droit à la vie de famille et à la vie privée et le droit à un logement digne par le copropriétaire d’un appartement –, il est évident que la législation présente des lacunes et que son application risque de causer de nombreuses difficultés et incertitudes juridiques tant du côté du syndic que du côté des copropriétaires. Sans prétendre être exhaustifs, voici un nombre de points auxquels devront tenir compte le syndic et les copropriétaires à la suite de la nouvelle législation lacunaire :

A.POUR LE SYNDIC

En phase décisionnelle préparatoire.

Il va de soi que la préparation d’une décision relative à la démolition et/ou reconstruction totale d’un immeuble à appartements est déterminante. Afin de permettre aux copropriétaires de décider en tout état de cause et éviter, autant que possible, toutediscussion à l’assemblée générale, il sera crucial pour le syndic de se faire assister, dans un premier temps, par des experts en vue de la préparation d’un tel dossier (notamment études de construction, rapports d’estimation, plans, devis,…). Un problème à ne pas sous-estimer ici est le manque de définition légale des concepts “raisons d’hygiène”, “raisons de sécurité” et “prix excessif pour l’adaptation de l’immeuble aux dispositions légales”. Des problèmes d’interprétation risquent inévitablement de se poser, lesquels peuvent également affecter l’établissement de la majorité requise pour ce genre de décision lors du placement à l’ordre du jour de la démolition et/ou reconstruction.

Le rôle du syndic est crucial lors du placement clair et complet à l’ordre du jour de ce genre de question. Le syndic peut opter pour une décision unique d’ensemble ou pour une première décision de principe relative à la démolition et/ou reconstruction et, le cas échéant, une décision ultérieure relative à l’exécution concrète de la démolition et/ou reconstruction.

Ce choix peut être influencé par plusieurs facteurs, tels que le caractère urgent des travaux, l’impact du recours du copropriétaire individuel (irrégulier, frauduleux ou illégitime) contre la décision et, le cas échéant, la demande d’une éventuelle reconstruction liée ou non à la construction d’appartements, garages ou caves supplémentaires, dans quels cas une redistribution des quotes-parts et des charges sera requise…

Enfin, le mode de financement du projet est un sujet important que le syndic ne peut pas perdre de vue. Lorsque capital de réserve est rarement ou jamais suffisant, le syndic devra faire preuve de suffisamment de transparence à propos de la nécessité d’importants acomptes supplémentaires et de l’opportunité de crédit ou prêt par l’un des copropriétaires de l’association des copropriétaires ou les copropriétaires eux-mêmes.

En phase d’exécution décisionnelle

Une fois la décision relative à la démolition et/oureconstruction de l’immeuble à appartements prise, il importe de savoir quand le syndic pourra procéder à la phase d’exécution (accompagnée des permis requis). L’impact des éventuelles procédures judiciaires à l’encontre de cette décision et/ou les conséquences de la renonciation d’un ou plusieurs copropriétaire(s) de son/leur lot en faveur des copropriétaires restants doit être pris en compte. En ce qui concerne le déroulement ultérieur de la phase d’exécution, il convient également de connaître la portée du mandat du syndic à propos des demandes de permis, la conclusion des contrats de construction et d’architecture, le suivi des travaux et l’acceptation de la livraison des travaux. A cet effet, il convient qu’un éventuel conseil de copropriété n’exerce pas d’importantes fonctions de contrôle et de supervision.

Nonobstant le fait que l’un et l’autre ne soit pas énoncé dans le texte de loi, le syndic revêt également une tâche importante dans le cadre de l’éventuelle renonciation par un copropriétaire de son lot. Bien que les frais de démolition et/ou reconstruction ne soient pas toujours connus au moment de la décision initiale par l’assemblée générale, le syndic devra présenter une estimation fiable afin de permettre au copropriétaire concerné de décider en tout état de cause à propos de la renonciation éventuelle de son lot.

Vu l’impact d’une renonciation de lot sur la répartition des quotes-parts et des charges au sein de la copropriété, le syndic a tout avantage à ce que la décision concernée soit prise par le copropriétaire dans un délai raisonnable et qu’il en soit correctement informé. Par contre, le fait que le syndic doive remplir un rôle dans le cadre des négociations et de l’établissement d’une éventuelle rémunération de la renonciation d’un lot par un copropriétaire au profit des autres copropriétaires reste incertain.

B. POUR LE COPROPRIÉTAIRE

Orientation du comportement de vote.

Les immeubles à appartements reflètent la société et la mesure dans laquelle les copropriétaires d’appartements font partie de différents groupes de population, cultures et générations, chacun avec ses besoins et souhaits propres. Des critères individuels divergents déterminent donc le comportement de vote des copropriétaires.

Tout copropriétaire doit être conscient que son comportement de vote à propos d’un point à l’ordre du jour aussi délicat que la démolition et/ou reconstruction de l’immeuble à appartements ne peut pas dépendre uniquement de ses critères propres et individuels. A travers son comportement de vote, tout copropriétaire doit être conscient des conséquences vis-à-vis des tiers. Non seulement la minorité contraire risque d’être confrontée à la démolition de l’immeuble, y compris celle de son propre lot, il convient également de tenir compte des conséquences de son comportement de vote vis-à-vis de ses éventuels locataires et/ou créanciers hypothécaires ou saisissants.

D’autre part, tout copropriétaire doit également tenir compte du fait qu’une décision effective de démolition et/ou reconstruction peut mener, en vertu de la nouvelle législation, à la renonciation par un ou plusieurs copropriétaires de son/leur lot “en faveur des autres copropriétaires” et que, par conséquent, il devra prendre en charge non seulement la part prévue ou prévisible de son propre lot dans le prix des travaux de démolition et reconstruction mais éventuellement également une part imprévisible de la quote-part des autres lots dans ce montant… Par conséquent, la nouvelle règlementation donne lieu à l’incertitude, à se demander même si elle ne favorisera pas des stratégies et spéculations immobilières, précisément ce que la loi souhaite éviter.

Procédure de renonciation de lot et compensation financière éventuelle​

Outre le raisonnement qu’un copropriétaire insolvable dispose réellement d’une liberté de choix pour renoncer à son lot et ne pas être confronté à une expropriation forcée de son lot, la manière et le délai dans lequel un copropriétaire doit, le cas échéant, prendre une décision à propos de la renonciation à son lot reste imprécis.

De plus, la loi n’établit rien à propos de la procédure qu’un copropriétaire renonciateur doit suivre afin de percevoir sa rémunération. La loi ne fournit aucune réponse notamment aux questions suivantes : un copropriétaire ayant renoncé sans réserve à son lot peut-il encore prétendre à une rémunération ? un copropriétaire renonciateur doit-il d’office premièrement tenter de parvenir au remboursement avant de pouvoir introduire un recours ? le copropriétaire renonciateur est-il contraint de négocier avec tous les autres copropriétaires nonrenonciateurs ? contre qui doit-il, le cas échéant, introduire un recours ? sur la base de quels critères le juge de paix déterminera finalement l’importance de la rémunération ? etc.

Procédure de renonciation de lot et rémunération éventuelle. Outre le raisonnement Malgré sa noble intention, cette nouvelle règlementation doit, en vue d’une correcte application concrète, davantage développer la décision de démolition et/ou reconstruction d’immeubles à appartements.

INFO

Frederiek Baudoncq
Nelissen Grade
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