La location d'appartements via des plateformes internet (Airbnb, 9 flats, etc.) est une pratique répandue dans presque toutes les grandes villes (Bruxelles, Paris, Amsterdam, etc.). Mais cette "nouvelle" façon de mettre à disposition un logement privé suscite une certaine controverse. En Belgique aussi, le sujet a fait couler beaucoup d'encre. Le fait qu'il n'existe pas de disposition légale pour ce type de location en Belgique joue également un rôle.
Les difficultés potentielles liées à la location
d'un appartement à des touristes sont de
deux ordres. Tout d'abord, le propriétaire
doit obtenir les autorisations nécessaires
pour pouvoir louer son terrain privé à des
touristes. Des saisies récentes montrent que
cette exigence de permis n'est pas prise à la
légère et qu'elle est même contrôlée.
Les propriétaires qui souhaitent louer des
logements touristiques doivent s'inscrire :
- auprès de Tourisme Flandre et, le cas échéant, demander une accréditation,
- auprès du CGT Commissariat General du Tourisme Wallon responsable de l’enregistrement des hébergements touristiques en Wallonie. Cet enregistrement est obligatoire pour tout logement proposé en location touristique.
Le décret flamand sur l'hébergement (Vlaams Logiesdecreet) stipule que les hébergements touristiques doivent répondre à des normes de base en matière de sécurité incendie, d'hygiène, d'assurance et de qualité. Les conditions d'exploitation spécifiques dépendent du type d'hébergement (par exemple, hôtels, chambres d'hôtes, maisons de vacances). Le non-respect de ces obligations peut exposer les propriétaires à des amendes ou à d'autres sanctions.
En Wallonie, la location touristique est encadrée par plusieurs textes législatifs dont le code wallon du Tourisme et l’Arrêté du Gouvernement Wallon du 8 décembre 2022. Ces textes imposent notamment des obligations en matière de permis d'urbanisme, de sécurité incendie, d'assurance responsabilité civile, et de déclaration auprès des autorités compétentes. Depuis le 30 janvier 2023, il est obligatoire de disposer d'un permis d'urbanisme pour créer un hébergement touristique dans une construction existante.
Spécificité bruxelloise : à Bruxelles, louer une chambre via Airbnb n'est évidemment pas illégal, mais il faut se conformer à l'ordonnance régionale du 8 mai 2014 en vigueur depuis avril 2016.
Cette ordonnance, réglemente l'installation et le fonctionnement de ce type de logement à Bruxelles et stipule notamment que le propriétaire doit être domicilié à l'adresse du bien mis en location (ce qui exclut donc les biens achetés exclusivement pour ce type de location).
Une autre mesure, déjà largement appliquée par certaines communes bruxelloises, est la taxe sur les propriétés vides. Un bien loué exclusivement via Airbnb n'a généralement pas d'occupants enregistrés et est donc considéré comme vacant... et donc imposable.
En outre, lors de l'enregistrement d'un
hébergement touristique, le copropriétaire
doit normalement présenter l'accord écrit
de l'association des copropriétaires
(art. 7 §1, 6° et 7° de l'arrêté d'exécution de
l'ordonnance bruxelloise).
Ces dernières années, le nombre de
décisions d'assemblées générales
interdisant ou restreignant les locations
Airbnb entièrement dans les copropriétés
a augmenté de manière significative. Sauf
exception, les Cours et Tribunaux donnent
généralement raison aux ACP.
La Commission européenne
critique les règles de Bruxelles en
matière d'Airbnb
La Commission européenne a lancé une
procédure d'infraction contre la Belgique
en janvier 2019, visant spécifiquement la
Région de Bruxelles. La Commission affirme
que les règles bruxelloises, telles que
définies dans l'ordonnance, ne respectent
pas le principe de proportionnalité de
la directive sur le marché intérieur des
services. L'Europe demande donc à la Région
bruxelloise de réviser l'ordonnance en faveur
des particuliers qui souhaitent louer leur
logement par le biais d'Airbnb.
Un deuxième aspect important est la compatibilité avec les règles de copropriété.
La location à court terme de propriétés privées par l'intermédiaire de plateformes telles qu'Airbnb n'est pas toujours autorisée dans les ACP. Les statuts et le règlement de copropriété peuvent explicitement interdire ces locations. Dans ces situations, il est facile de se référer à ces dispositions pour interdire les locations.
En outre, le règlement de copropriété détermine, entre autres, la destination des lots privatifs. Si la destination des lots privatifs est la résidence privée, la question se pose de savoir si la location touristique d'un appartement (via une plateforme en ligne) est compatible avec cette destination, même s'il n'y a pas d'interdiction légale explicite.
Si les statuts ou les règlements ne prévoient qu'une interdiction générale des activités qui causent des nuisances, c'est à la ACP de prouver que la location par l'intermédiaire de plateformes telles qu'Airbnb cause des nuisances (par exemple, en raison de l'emménagement et du déménagement fréquents des locataires).
Si les statuts interdisent l’exercice d’activités horeca, cela peut constituer un indice sérieux que l’exploitation d’un logement via Airbnb est également interdite — surtout lorsque la location présente un caractère commercial ou quasi-hôtelier.
Toutefois, la location via Airbnb n’est pas automatiquement exclue : la nature concrète de l’utilisation, la fréquence des locations ainsi que la présence éventuelle de services supplémentaires jouent un rôle déterminant. Pour une exclusion sans ambiguïté, il est recommandé que les statuts interdisent également explicitement les locations touristiques ou les séjours temporaires.
Airbnb compatible avec une
résidence privée ?
La jurisprudence confirme que les locations
de courte durée sont souvent incompatibles
avec une destination résidentielle privée.
Par exemple, le 4 février 2016, le juge de
paix de Bruges a décidé que la location
d'un appartement via Airbnb sans le consentement du propriétaire équivaut à
une sous-location non autorisée, en violation
de la loi sur les baux d'habitation.
En outre, le 13 avril 2017, le juge de paix de Bruges a statué que les locations de vacances via Airbnb constituent une activité commerciale et ne sont donc pas autorisées dans un immeuble d'appartements dont l'acte de base interdit les locations commerciales. Cette jurisprudence confirme que les locations de courte durée sont généralement incompatibles avec une destination résidentielle privée. Ces locations sont souvent considérées comme une activité commerciale et non comme une "occupation".
Ces décisions illustrent le fait que les locations de courte durée par l'intermédiaire de plateformes telles qu'Airbnb sont souvent considérées comme une activité commerciale et non comme une "occupation", ce qui peut les rendre contraires à la destination résidentielle privée telle que stipulée dans les règlements de copropriété.
Dans chaque cas, les décisions de justice ont abouti à la même conclusion : la destination de résidence privée n'autorise que les locations de longue durée. A contrario, on peut en déduire que la location à des touristes, qui est généralement de courte durée, via une plateforme internet n'est pas compatible avec la destination de résidence privée. En effet, comme l'appartement est loué à chaque fois pour une courte période, il n'y a pas d'"occupation" selon la jurisprudence dominante.
Un autre élément concernant l'interprétation du concept de résidence privée est que les logements privés ne peuvent pas être utilisés pour une quelconque activité commerciale. Ce point est également problématique selon la jurisprudence en vigueur. Le juge de paix de Bruges, par exemple, a décidé que les locations régulières via Airbnb constituaient une activité commerciale (interdite).
Cela signifie que la location occasionnelle, et non fréquente, de votre appartement n'est pas considérée comme une activité commerciale et peut donc être compatible avec la destination de résidence privée.
Ces éléments font que la location touristique d'un appartement pour de courtes périodes est, en principe, incompatible avec la finalité de résidence privée. En marge de ces arrêts, il faut noter qu'ils concernent tous des locations via Airbnb. Par analogie, cette jurisprudence est, à mon avis, également applicable à la location de logements privés via toute autre plateforme internet.
Airbnb face à la location de
vacances classique : une frontière
floue mais décisive
Airbnb est-il vraiment comparable à la
location de vacances traditionnelle ? Sur le
plan juridique, les similitudes existent, mais
les différences, parfois subtiles, peuvent avoir
de lourdes conséquences.
Dans les deux cas, il s’agit de locations meublées de courte durée à destination touristique. Le bien reste une propriété privée, louée temporairement à des tiers, sans transfert de propriété. Le recours à un intermédiaire est fréquent : une agence immobilière classique dans le cas des vacances à la mer ou à la montagne, une plateforme digitale comme Airbnb dans l’économie numérique.
Les tribunaux belges ont eu à se prononcer à plusieurs reprises. Leur position tend à se durcir : une location régulière via Airbnb, accompagnée de services (nettoyage, accueil, linge), est susceptible d’être requalifiée en activité hôtelière. Elle peut alors être jugée contraire aux statuts d’immeubles interdisant les activités commerciales.
À l’inverse, une location occasionnelle, sans services annexes, reste perçue comme une forme légitime de location de vacances — même si elle est effectuée via une plateforme numérique.
La notion de logement doit-elle
être interprétée de manière plus
large?
A côté de cette vision claire de la jurisprudence précitée, il existe cependant
un courant de la doctrine belge qui adopte
un point de vue différent. S'appuyant sur
la jurisprudence étrangère (française et
allemande), certains auteurs, bien que
minoritaires, estiment que la location à des
touristes qui changent quotidiennement
ou hebdomadairement est effectivement
compatible avec la destination résidentielle
privée des appartements concernés.
Ces auteurs citent notamment les arguments de la Cour suprême fédérale allemande, selon laquelle la notion d'habitation doit être interprétée de manière large. Selon ce point de vue, le propriétaire d'un appartement a le droit d'utiliser son bien de la manière la plus complète possible et devrait donc avoir le droit et la liberté de louer sa partie privée.
Conclusion:
concrètement, la personne
qui souhaite louer son appartement
à des touristes doit d'abord prêter
attention aux autorisations privées
nécessaires ainsi qu'aux statuts (le
règlement de copropriété). Si les
statuts stipulent que la destination
est une résidence privée, il est clair
que la location aux touristes n'est pas
compatible avec cette destination.
Le syndic est-il réellement
concerné ?
La location d'un appartement est
essentiellement une affaire privée. Comme
chacun sait, le syndic ne gère que les parties
communes de l'immeuble et n'a aucun
pouvoir sur les parties privatives.
Sauf plaintes spécifiques ou ordre explicite de l'assemblée générale, il n'est pas du devoir du syndic de prendre des mesures indépendantes à l'encontre d'un copropriétaire qui loue.
Le syndic ne peut agir que dans les limites de ses pouvoirs légaux, statutaires ou conventionnels. Cela signifie que ses actions sont limitées à ce qui est stipulé dans la loi :
- La loi sur la copropriété et la déontologie; Elle constitue le cadre légal des pouvoirs et obligations du syndic.
- Les statuts : ces documents contiennent les règles et accords spécifiques applicables au sein d'une ACP spécifique.
- Décisions de l'assemblée générale : le syndic doit mettre en œuvre les décisions de l'AG et ne peut s'en écarter de manière indépendante ou unilatérale.
- Son mandat et son accord : Il s'agit des missions et des tâches spécifiques explicitement assignées au syndic.
Conseils
- Si le ROI ne contient pas de dispositions explicites sur les locations de courte durée, l’ACP, par l'intermédiaire de l'assemblée générale, peut décider de modifier ce règlement. Une telle modification peut, par exemple, autoriser ou interdire explicitement les locations touristiques. Majorité requise de 1/2+1.
- Une modification des statuts visant spécifiquement les locations à court terme ne semble ni nécessaire ni souhaitable, car la modification de la destination urbanistique en une destination commerciale, par exemple, pourrait avoir des conséquences indésirables. Cela pourrait empêcher le copropriétaire en question de vendre son appartement à l'avenir. En outre, une modification des statuts nécessite un acte authentique chez le notaire, ce qui entraîne des coûts considérables. Une modification des statuts requiert également une majorité des quatre cinquièmes.
- Afin d'éviter d'éventuelles discussions entre le copropriétaire et la ACP, il est préférable d'inclure une clause claire dans le règlement d'ordre intérieur pour régler clairement cette situation. Cette clause peut explicitement autoriser ou interdire la location d’appartements privés comme location touristique (adaptation ROI majorité 1/2+1).
Médiation et ouverture du
dialogue
Si nécessaire, le syndic, avec l'approbation de
l'assemblée générale, peut également faire
appel à un médiateur externe dans le but de
trouver une solution acceptable pour toutes
les parties, sans engager immédiatement
une action en justice. La médiation peut
apporter des solutions en cas de plaintes
telles que les nuisances sonores, l'abus
des parties communes ou la violation du
règlement d'ordre intérieur (ROI).
Le syndic doit rester neutre à tout moment, mais il peut certainement participer à ce processus pour clarifier la situation. L'objectif est d'éviter l'escalade et de maintenir la cohésion de la communauté. Cependant, la médiation a des limites. Il s'agit d'un processus volontaire dans lequel toutes les parties impliquées doivent être prêtes à coopérer. Vous pouvez trouver un médiateur sur le site de la Commission fédérale de médiation : https://fbc-cfm.be/
Abandon de recours : plus sûr et
plus simple !
Aux niveau des assurances il est important
d’envisager d’intégrer l’abandon de recours.
Nous avons demandé à notre partenaire
Citadel Insurance si l’abandon de recours
était une bonne option. La réponse de
Lionel Vandamme (lionel@citadelinsurance.be) est claire :
"L’abandon de recours n’est pas une
composante standard de la police globale,
mais il offre une protection essentielle
pour les copropriétaires en cas de location, qu’il s’agisse de locations à long terme ou
touristiques." En principe, un locataire doit
souscrire une assurance responsabilité
locative et fournir chaque année une
attestation au propriétaire. Cette attestation
confirme que la prime a été payée et que
l’assurance est en vigueur.
Dans la pratique, cependant, tous les propriétaires ne suivent pas rigoureusement cette procédure. Il arrive fréquemment qu’un locataire paie la prime uniquement la première année, puis néglige cette obligation les années suivantes. Pour protéger les propriétaires-bailleurs contre ce risque, les assureurs incendie ont développés la garantie « abandon de recours ». Elle garantit que les propriétaires restent couverts, quelle que soit la situation du locataire. La surprime peut, si nécessaire, être répercutée dans le prix du loyer.
Deux options pour l’abandon de
recours
La police globale prévoit deux manières de
gérer l’abandon de recours :
1. Par appartement : cela engendre une surprime de 50 % sur la part du propriétaire (bailleur), mais exige une gestion administrative supplémentaire de la part du syndic et de l’assureur pour maintenir les informations à jour.
2. Pour l’ensemble de la copropriété (ACP) : une surprime de 25 à 30 % est ajoutée à la prime annuelle de la police globale, ce qui est plus simple à administrer.
Cette garantie est également pertinente pour les locations via des plateformes telles qu’Airbnb, où aucun contrat de location standard n’est utilisé. En souscrivant une garantie d’abandon de recours, les copropriétaires n’ont pas à s’inquiéter de la responsabilité ou de l’identification des parties responsables en cas de sinistre. Cela offre une sécurité précieuse dans un marché où les locations à court terme sont en pleine expansion.
Conseil aux syndics :
Vérifiez vos polices globales et assurezvous que la garantie d’abandon de recours
y est incluse. En tant que syndic (ou
copropriétaire), ce petit ajout peut vous
épargner bien des soucis !
Info
Mme Dominique Krickovic
Présidente UDS
(Union des Syndics)
www.uniondessyndics.be