Perdre son temps ; une frustration de plus pour le syndic !

Le moins qu’on puisse dire est que l’agenda d’un syndic est plein à craquer ! Il déborde de rendez-vous, de réunions, d’expertises , de contrôles divers et convocations chez le Juge de Paix, de relevés de compteurs, de facturations, de correspondance inutile, …

Dès lors, perdre son temps devient une calamité insupportable. il est pourtant des tâches que l’on ne peut reporter… L’une d’elle est la lecture des mails, l’autre est de répondre aux plaintes déposée à l’IPI.

Une pluie de mails

Le problème est général, et dépasse largement nos frontières. J’en veux pour preuve l’article ci-dessous dont je vous cite un extrait, parus dans le magazine français "Informations rapide de la Copropriété".

IIs arrivent toutes les deux minutes trente-cinq secondes, montre en-main. Tel un petit sablier qui s'égrène inexorablement, une trotteuse qui fait tic-tac-tic-tac toute la journée; sans discontinuer.

Oui, je compte les minutes qui séparent les mails entrants. J'ai un nouveau métier : tapeur de mails.

Que je les tape comme un forcené ou que je les dicte à Siri qui est devenu mon meilleur ami, mon secrétaire particulier, me voilà chaque matin happé dans le tourbillon infernal des mails inoxydables, infatigables, increvables. J’écope du matin au soir, j’ai peur que le fleuve déborde, peur d’en perdre une goutte ; peur de perdre le fil ; peur de fermer la petite fenêtre en bas de l’écran, peur de partir en vacances.

Combien seront-ils à mon retour de déjeuner? Le Lundi matin, ils sont là, ils m’attendent de pied ferme, gonflés à bloc, remontés comme jamais, impatients d’en découdre. Je les sens avec leurs petites mains crochues m’attirer dans les flammes de l’enfer. Le dimanche soir, ce n’est plus un coup de blues, c’est carrément l’angoisse.

Attention j’appuie sur le bouton ouvrir. Ouch, je me prends une vague, un torrent, une tornade, je m’accroche à la rive pour ne pas me noyer, l’instinct de survie. Seul face à la locomotive lancée plein gaz, je suis un guerrier. Non, vous ne passerez pas !

Ma journée est une course folle contre la montre, je vis dans ma bulle Outlook. Ce soir ma boite sera vide, propre nettoyée, inbox zero, je me le suis juré.

C’est un défi permanent, une mission, une quête. Je suis devenu expert de la messagerie, docteur es courriers électroniques, champion du CCC (copie invisible).

Mes réponses sont de plus ne plus courtes, bref pour tenir la cadence "OK c’est noté", "Bien reçu, je m’en occupe", "parfait je vous remercie". Moins on en dit, mieux c’est, si je renvoie la balle, je me prends un revers du droit un uppercut. J’esquive des piques, je zappe les polémiques. Parfois je recadre, parfois je vois rouge ; parfois je ne comprends rien. Souvent, je prends sur moi. Souvent je rappelle.

J’aime les mails qui disent juste merci, même si ça en fait un de plus dans la charrette. Quand c’est un spam, me voilà soulagé. Je suis affable avec les gentils, sévère avec les méchants. Je chèque les mails vite fait toujours, tout le temps, dans le train du matin, avant de débarquer sur le deux roues avant de démarrer, au feu rouge si c’est long, en rendez-vous ça traine, en AG si je m’ennuie…

Si vous êtes syndics, vous vous reconnaitrez facilement dans ce tableau !

Et dans cette multitude, on trouvera de nombreux mails inutiles, mais qui nous font perdre un temps précieux et nous détournent parfois de l’essentiel, ... l'essentiel sur lequel vous serez cependant jugé en tant que syndic.

Et au final, en fin de journée, qu’avons-nous fait de concret à part répondre à une centaine de mails ?

Dix-sept heure arrive et il faut se dépêcher de préparer le rendez-vous suivant ou l’AG du soir…

Notre conseil, si tant est que l’on puisse vous aider à naviguer dans cette mer de mails :

1/
Filtrez en amont. Par exemple : demandez aux copropriétaires de transmettre leurs mails et demandes a un des membres du Conseil de Copropriété : ainsi ce dernier pourra éventuellement regrouper plusieurs demandes et envoyer un mail par semaine (sauf urgence). Il est en effet inutile que plusieurs copropriétaires envoient la même question ou remarque au syndic avec tous les autres copropriétaires en CC. Une seule personne est choisie pour les contacts avec le syndic.

2/
Créez un boite mail par immeuble ; ainsi tous les mails arrivent dans cette boite et le syndic consulte ces mails une fois par semaine (sauf urgence). Rappelons que le mail est par définition un moyen de communication non urgent.

3/
Une option qui aura peut-être du mal à passer est de prévoir un montant forfaitaire de par exemple 5€ par mail au-delà du nombre raisonnable de mails enregistrés.

4/ 
Exigez un sujet unique par mail. Chacun le sait, le syndic doit travailler vite et bien. Il ne peut se permettre aucune faute, sans que quelque copropriétaire aux aguets ne lui tombe dessus à bras raccourcis, et espère qu’il se rendra intéressant aux yeux des autres en portant plainte à l’IPI …

Plus de 1000 plaintes classées sans suite​

Autre motif de perte de temps : une plainte à l’institut. Elle vous arrive au courrier le matin ... et voilà la journée fichue… et probablement votre weekend… ou encore les jours à venir.​

En effet, les copropriétaires peuvent sans bonne raison apparente, sans motif, sans condition de recevabilité et sans paiement, introduire une plainte à l’IPI contre son syndic. Juste pour lui nuire, souvent par esprit de vengeance….​

Bien évidemment, toutes les plaintes ne sont pas inutiles, et il est normal de pouvoir se plaindre à l’Institut de contrôle, pour dénoncer certaines pratiques inacceptables. Tout le monde sera d’accord sur ce point.​

Mail selon les chiffres de l’IPI (rapport annuel 2020) : sur 1.505 dossiers (!) qui ont été ouverts en 2020 seulement 348 ont été renvoyés devant la chambre exécutive soit 1.157 plaintes classées sans suite. On compte encore 10 acquittements et 36 décisions autonomes souvent en rapport avec la formation permanente.

Finalement 237 agents immobiliers ont fait l’objet d’une sanction disciplinaires en 2020 (22 radiations, 116 suspensions, 63 blâmes et 36 avertissements). Cela signifie que non moins de 84% des plaintes ont été formulé sans connaissance de cause ou simplement par esprit de revanche.​

Sur ce point, nous pensons qu’il serait intéressant de scinder ces chiffres par tableau ; pour nous donner une meilleure idée de la répartition des sanctions entre syndics et courtiers…

Mais il est clair qu’indépendamment de cette répartition syndics/courtiers, près de 1200 plaintes par ans sont classées sans suite… En toute objectivité cela nous autorise forcément de conclure à l’usage abusif à grande échelle de la plainte par les copropriétaires ; ce qui confirme en tout état de cause le ressenti des syndics au quotidien.​

A l’origine de ces abus, le manque de modalités contraignantes : remplir un simple formulaire suffit, et ce sans aucun frais de dossier, selement 0€ .

On remarque ainsi que certains copropriétaires pensent ainsi pouvoir économiser les frais d'avocat.

Au lieu d'une assignation coûteuse, ils envoient gratuitement une plainte à l’IPI. La plupart ne savent peut être pas les plaintes ne peuvent porter que sur des violations déontologiques. De même certains copropriétaires qui n'ont pas obtenu gain de cause à l'Assemblée Générale, pensent pouvoir se plaindre d’un abus de majorité et faire annuler à bon compte la décision de l’AG...

Finalement ils engorgent inutilement les instances compétentes.

Les 10 plaintes les plus courantes

En réponse à une question parlementaire voici un élément de réponse intéressant apporté qui peut nous éclairer sur l’origine des plaintes.

Les dix plaintes et infractions les plus fréquentes sont (sans classement par ordre d'importance) :​

  1. aucun contrat écrit de syndic conclu​
  2. négligence dans la tenue des assemblées générales des copropriétaires (pas de convocation à l'assemblée générale dans le délai prescrit - pas de rapport d'assemblée, sujets demandés par un copropriétaire non-inscrits à l'ordre du jour)
  3. négligence dans la coordination des statuts
  4. pas de communication avec ou insuffisamment disponible pour les copropriétaires ;
  5. aucune comptabilité ou comptabilité erronée
  6. honoraires injustifiés ou non prévus au contrat
  7. problèmes avec les offres des fournisseurs ou l'attribution des contrats
  8. le transfert des documents au syndic successif a lieu trop tard (ou non)
  9. pas d'accès aux documents de copropriété pour les copropriétaires qui en font la demande
  10. pas de réponse aux questions de l'asseseur juridique de l'IPI.

Au vu de ces motifs, il semblerait que beaucoup de problèmes pourraient être résolus dans la transparence, et peut être aussi la médiation... Mais c’est un autre sujet.

Plus jamais la paix !

Enfin, l’UDS (Union des Syndics asbl) souhaite attirer l’attention de tout syndic sur le fait que le principe de base de la prescription ne s’applique pas aux plaintes déontologiques. Résultat des courses, un syndic peut subir une plainte abusive plus de 10 ans après les faits soi-disant reprochés... alors qu’il n’est même plus syndic de l’immeuble en question (!) alors qu’il a déjà transmis les archives et peut-être même changé d’ordinateur... ce qui rend la recherche de documents et de preuves quasiment impossible…

Aucune prescription, même pas trentenaire… Aucune norme comme au civil? Cela ne manque pas de surprendre, quand on considère qu’en droit pénal seulement les crimes contre l’humanité ne se prescrivent pas.

Et pour le syndic, cela s’applique même s’il a obtenu le quitus de l’AG pour sa gestion de l’ACP à l’origine de la plainte … car il s’agit ici de déontologie.

Finalement l’agent immobilier pourra toujours, sans aucune limite dans le temps raisonnable, être poursuivi au niveau disciplinaire par un copropriétaire rancunier… On est donc loin, pour ne pas dire très loin d'une approche saine, équitable et justifiée.

C’est pourquoi l’UDS demande aux acteurs du secteur, de réfléchir à :

  • l’instauration d'un délai de prescription raisonnable
  • l’application du principe "ne bis in idem", ou "l'absorption" lors de la commission de nouvelles infractions qui sont entièrement causalement liées à une condamnation disciplinaire définitive antérieure (nul ne peut être jugé une deuxième fois pour des infractions pour lesquelles il a déjà été sanctionné connaître)
  • de déclarer irrecevable les plaintes à l’égard d’agents immobiliers non actifs depuis plus de deux ans

Au moins 3 heures de travail par plainte

Nous avons interrogé nos membres sur le temps passé à répondre à une plainte. Selon leur dire, cela leur prend au minimum 3 heures; entre la recherche des documents et des preuves dans les archives, et la formulation claire de la réponse écrite à l’IPI. Il ne faut pas oublier que le délai imparti est de 15 jours à partir de la date de la lettre de l’IPI (sans compter les retards probables dans la distribution de la poste), on ne peut donc pas trop traîner… et certainement ne pas être en vacances à ce moment-là!

Le weekend est un moment propice au repos et aux joies familiales ; mais pas pour le syndic qui non seulement a prévu une réunion le samedi matin et passe son samedi après-midi à répondre à une plainte, qui, les chiffres le prouvent, est souvent infondée et mal intentionnée.

3 heures en moyenne, perdues pour répondre à une plainte… Parfois même le double car la plainte peut revenir avec un autre demande de clarification.. et rebelote, recherche des dossiers, des mails…

Mais le syndic n’a pas le choix, car l’enjeu est d’importance : il y va de sa réputation, de sa vie professionnelle , de la vie de son cabinet et de l’emploi de ses collaborateurs !

Dans quel autre corps de métier est-on soumis à un tel stress et à un tel risque de perdre tout ce que l’on a construit ?

C’est d’ailleurs pour cette raison que l’UDS a prévu une assurance-groupe de protection disciplinaire pour ses membres. Ainsi, il ne sont plus seuls pour affronter leurs problèmes.

Droit de rôle et dissuasion​

​Mais le problème se situe en amont: il faut d’abord limiter l’afflux de plaintes sans motif valable en imposant un droit de rôle.

Si minime soit-il, ce coût servira de dissuasion et l’on peut être sûr que seules les plaintes réelles et basées sur des fondements concrets seront introduites, car une personne convaincue du bien-fondé de sa plainte n’hésitera pas à verser une modique somme pour obtenir satisfaction.

Cela peut également encourager plus de dialogue par le biais de la Médiation, grâce à l’intervention d’un médiateur; ce mode de règlement des différends a déjà fait ses preuves et est d'ailleurs recommandé dans la loi sur la copropriété (NCc art 3.85-§5)

Deux tableaux mais une seule sanction​

Nombreux sont les syndics qui restent sur les deux tableaux de l’IPI ; le tableau des agents immobiliers/courtage et le tableau des syndics ; et vice versa. Rien ne les empêche en effet, d’être syndic, mais de réaliser de temps en temps une vente ou une location.

Nombreux sont également ceux qui ont créé deux organisation distinctes ; un bureau de syndic et un bureau de courtage; deux entités juridiques différentes avec du personnel distinct dans les deux sociétés.

Lorsque que tout se passe bien, la situation peut être une réussite. Le bât blesse lorsque dans l’une de ces activités un problème se pose qui donne lieu à une plainte disciplinaire.

En effet la sanction se rapportant au numéro IPI, en cas de radiation ou de suspension, ce sont toutes les activités de l’agent immobilier qui sont concernées …

Il serait donc intéressant d’envisager de scinder les sanctions par tableau, ce qui se situerait tout à fait dans la logique des choses. La sanction doit se rapporter aux tâches effectuées, et ces dernières sont soumises à une inscription spécifique sur un tableau donné. Il est donc logique que la sanction s’applique aux tâches du tableau concerné. Cela permettrait ainsi au syndic qui a commis ou dont le personnel a commis volontairement ou involontairement des erreurs de gestion, de continuer à travailler en effectuant des tâches de courtage pour lesquelles il n’a, par exemple, jamais été inquiété. La survie de son cabinet et le maintien de son personnel seraient ainsi préservés.

Organes spécifiques pour les syndics ?

Dissocier les plaintes par tableau est une chose, mais créer des instances spécifiques, par tableau, signifierait à terme la reconnaissance tant attendue du métier de syndic. En distinguant ainsi les deux activités, chaque plainte serait évaluée par des collègues actifs dans le même domaine.

Solution ? Dommages et intérêts pour le plaignant ?

Si nous partons du principe que le traitement des plaintes déontologiques fait partie de la gestion normale du gestionnaire immobilier ou de sa propre entreprise, nous pensons également que des solutions doivent être trouvées contre les plaintes abusives.

Nous ne préconisons certainement pas de limiter le droit de déposer une plainte. Nous défendons plutôt la position selon laquelle le gestionnaire immobilier ne doitpas être victime d'attaques arbitraires de clients insatisfaits, entraînant des heures de recherche et de rédaction. Tout le monde connaît la fameuse expression : le temps, c'est de l'argent.

Cela nous amène à deux propositions : D'une part, pourquoi ne pas envisager d'introduire une indemnisation compensatoire, similaire à l'indemnisation légale des cours et tribunaux, en cas de plainte abusive contre un syndic ou autre personne faisant l'objet d'un contrôle disciplinaire par le BIV.

D'autre part, nous souhaitons proposer un mécanisme d'indemnisation à nos membres, dans le but de compenser leur perte de temps en cas de plainte abusive ; ceci sous la forme d'une clause dans leur contrat de gestion.

« Plainte abusive à l’IPI : On entend par plainte abusive une plainte d'un ou de plusieurs copropriétaires contre le syndic, qui est rejetée ou classée sans suite par l‘assesseur juridique de l'Institut Professionnel Agents Immobiliers, ou qui aboutit à un acquittement devant la Chambre Exécutive de l’IPI. Le copropriétaire qui a déposé une telle plainte sera redevable au syndic d’une indemnité fixe et forfaitaire pour la prestation effectuée égale à trois heures de travail, à savoir …. EUR par heure de travail. Si une telle plainte est formulée par plusieurs copropriétaires, ils sont solidairement tenus de cette indemnité ».

Il va de soi qu'une explication expressis verbis de cette clause par le syndic est nécessaire lors de l'AG, ceci dans le cadre de l'explication générale du contrat entre le syndic et l’ACP.​

Conclusion

L'UDS se positionne depuis sa création, comme la seule fédération professionnelle des syndics souhaitant oeuvrer pour un changement profond et constructif ainsi qu’une approche plus moderne du statut du syndic en Belgique. Nos efforts pour un institut des syndics n’ont à ce jour pas encore portés leurs fruits.​

Mais nous persistons à croire que les approches respectives des deux métiers, courtiers et syndics, sont très différentes. Tout un chacun peut au moins reconnaitre cela et, dans la mesure du possible, agir en conséquence. respectieve benadering van de twee beroepen, makelaar en syndicus, een specifieke en aangepaste aanpak vergt. Iedereen kan dit op zijn minst beamen en, in de mate van het mogelijke, ernaar handelen.

INFO

Mme Dominique Krickovic
Présidente & Co-founder
UDS - Union des Syndics asbl

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